lundi, 2 mai 2011

Cuba: Maréa de Portillo, Les Jardins de la Reine, Trinidad

Salut à tous,




Cela fait déjà un mois que nous sommes dans cette belle île, maman étant partie, il est temps pour nous de reprendre la route mais avant cela il nous faut prolonger notre visa d’immigration qui écherra dans quelques jours. Une extension de 30 jours moyennant un prix de 25 CUC par passeport est possible.


Notre journée débute avec le premier « gua-gua » au départ de Punta Gorda et une longue attente à la banque pour acheter les estampilles nécessaires à la prolongation sollicitée. Puis nous nous rendons au bureau de l’immigration sur le port. La question d’usage « Quien el ultimo ?»



On m’indique que je dois prendre un ticket numéroté à l’entrée du bâtiment. Oui mais,…aujourd’hui ils sont épuisés ! Mettez-vous simplement dans la file et attendez me conseille le gardien. Deux heures plus tard, les dix personnes restantes - dont on fait partie – sont priées de revenir lundi ! Avant de quitter les lieux, je m’assure seulement que nos visas seront prolongeables lundi car c’est la date butoir.


Nous profitons de notre journée en ville pour dire au revoir à Daisy et Norka et refaire une partie de l’avitaillement en produits frais. Depuis que nous sommes à Santiago, nous avons découvert un marché parallèle. Comme certaines marchandises sont introuvables dans les magasins, il suffit de s’adresser à la bonne personne au bon moment et on peut « dégoter » au marché noir du jambon fumé, du fromage entre autres, produits payés en CUC bien entendu. Le message a été passé sur ce que nous souhaitions. Nous buvons donc tranquillement un verre avec nos amis Peter et Christian du catamaran Marmajua sur la place Sta-Marta.




Tout à coup deux jambons arrivent sur la table, la personne disparaît. Nous rangeons le jambon préparons l’argent. Un peu plus tard, un homme, le regard balayant de tous côtés s’assied avec nous, il empoche l’argent discrètement en nous indiquant que le fromage arrivera demain, même place, même heure, même prix. Par respect et sécurité pour cette personne, je ne publierai pas sa photo. Par contre je peux aisément vous donner l’eau à la bouche en vous présentant cette belle cuisse qui méritait encore une bonne heure de cuisson, ce que nous n’avons pas manqué de faire Peter et moi dès notre retour à bord.





Beaucoup de marchandises destinées aux hôtels ou restaurants sont fauchées à la descente des bateaux, se perdent dans les méandres des hangars de stockage, les services de livraison n’arrivant même pas à proximité des étalages, mais les denrées réapparaissent au marché noir. Les autochtones cherchent à s’en sortir autrement afin d’améliorer leur quotidien. On ne leur jette pas la pierre, on en ferait tout autant si on devait vivre sous un tel régime.


Comment avons-nous découverts que des tickets de rationnement (comme il y en avait en 39/45) leur étaient également distribués ?


Un jour, à la recherche de pain, nous nous laissons guider par notre nez qui nous emmène, en bon limier qu’il est, devant une boulangerie où il y avait déjà une queue considérable. Je me mets dans les rangs et attends patiemment mon tour. Du pain, en veux-tu, en voilà; de jolis ballons bien ronds, tout dorés, reliés entre eux, tout chauds sortis du four. Je passe ma commande et sors mon porte-monnaie. Il est impossible d’acheter du pain ici sans tickets de rationnement, vous êtes dans une boulangerie étatisée. OK, pas de souci, nous partons à la recherche d’une autre panaderia. Nous en croisons trois sur le chemin du retour, mais la prochaine fournée n’est pas encore prête, il faut attendre une heure au minimum. Je laisse tomber pour aujourd’hui et confectionnerai du pain au bateau. Comme le four ne chauffe jamais pour une seule chose, un cake aux amendes fera des heureux lorsque Marvin rejoindra ses copains/copines sur la place.

Ces expériences, nous ne pourrions pas les vivre autrement. Les touristes venant ici, dans de grands hôtels (all inclusive), visitant l’île en tours organisés ne la voient pas de la même manière. Ils ne sont pas confrontés au quotidien « basic » et ils ne se posent aucunement la question de savoir ce qu’ils trouveront dans leur assiette. Vivre le voyage sur un autre rythme est fondamental pour nous.


Notre deuxième essai à l’immigration ayant été concluant, notre fromage récupéré par Peter et Christian, nous pouvons décoller de Santiago, mais pas avant d’avoir rendu visite à Pedro, Rosa et leurs filles, à Limpcari et ses enfants, à Gisèle, Magdalena, Lizzaro, Daniella et sa fille, tous nos amis de Punta Gorda.



Pedro se fendra en deux pour « dégotter » en un temps record ce dont vous manquerez, son épouse Rosa fera votre lessive si vous le souhaitez, tout comme Gisèle d’ailleurs. Daniella vous fournira en yogourt maison, suivant l’arôme qu’elle aura réussi à se procurer (coco, fraise ou nature). Ils sont excellents je ne peux que vous les recommander. La seule chose qu’elle souhaite avant de vous livrer du yogourt, c’est un pet. On n’écrase pas ses pets à Cuba, on les donne à ceux qui en ont l’utilité pour stocker toute sorte de choses. Cela leur évite de devoir acheter de l’eau ou des boissons en bouteille, vendues en CUC pour obtenir un pet. C’est une autre forme de recyclage. Pensez à ne pas les écraser pour gagner de la place à bord, ces pets feront des heureux et leur permettra ainsi gagner quelques petits sous.

Nous quittons ce petit monde avec de grandes embrassades et des larmes au coin des yeux. Quant les reverrons-nous ?





La douane, prévenue de notre départ, fait sa tournée à bord et nous délivre notre « zarpe de navigacion ». Nous quittons également Peter et Christian qui attendent de la famille et partiront d’ici une semaine ou deux. On se retrouvera plus loin. Nous larguons les amarres à 20h30 malgré l’interdiction de sortir du canal de nuit. Nous avons attendu que les thermiques de l’après-midi se calment pour décoller du ponton sur lequel ils nous plaquaient. La douane a donc monté la garde au bout du quai pour s’assurer que nous n’embarquions aucune autre personne avec nous !


La navigation de nuit a été sympa même si la mer était quelque peu houleuse au départ. Au matin par contre le vent s’est cassé la figure, la brise Volvo nous dépanne sur une mer d’huile jusqu’à Maréa de Portillo. Nous mouillons l’ancre dans une baie bien protégée à 82 miles de Santiago, devant un petit village où les quelques pêcheurs sur l’eau saluent notre arrivée. A peine ancrés, un Guardia Frontera se pointe pour contrôler nos papiers. Nous l’invitons à bord, avec Joséphine qui ramait... et un vieil homme qui les accompagnait. Coca, café, paperasse remplie et contrôlée, le Guardia Frontera, nous informe que nous avons interdiction de descendre à terre, cet endroit n’étant pas un port officiel.


Ah non ! On ne va pas nous interdire de descendre à terre à chaque escale ! Je commence à parlementer ; quelle différence faites-vous entre un visiteur étranger arrivant par avion et un autre en bateau ? Nous avons un visa, prolongé qui plus est, donc les mêmes droits, non ? Si on était des « touristes terriens », on ne nous interdirait pas de traverser le village en voiture de location, de nous y arrêter pour boire quelque chose, etc. Nos trois invités se consultent, ne savent pas que répondre. C’est interdit nous rappelle l’autorité.

Bien, bien, je comprends que c’est interdit, mais quelles sont les conséquences si on descend tout de même à terre ? Un peu gêné, il me répondra : aucune, mais c’est interdit pour votre sécurité. A partir de ce jour nous ferons fi de cette réglementation, n’ayant jamais visité un pays aussi sûr que Cuba. Il y a une telle pression militaire ou policière, tout est prétexte à une multa (amende), à une arrestation ou à une sanction que la population n’ose pas bouger d’un pouce.


Il est trop tard ce soir pour descendre à terre de toute manière, mais nous informons notre cher officiel que demain après l’école nous irons sur la plage, visiter ce village et y rencontrer ses habitants. Nous sommes seuls au mouillage, le soleil se couche, quelques pêcheurs sont dans la baie, d’autres sortent en pleine mer, à la seule force de leur bras, la Sierra Maestra se teinte d’une couleur tendre.




Une fois à terre Marvin ne tarde pas à faire connaissance avec les enfants du coin, baignade et construction font la joie des uns comme des autres. Georgis et lui ne se quitteront plus, n’attendant que l’après école pour croquer la vie d’un même regard enjôleur.




Odalia, la maman de Georgis, avec qui j’avais fait un brin de causette sur la plage pendant que les enfants jouaient, nous invite dans sa maison pour partager un café. Elle est fière d’avoir aujourd’hui une maison en dure, l’ancienne qui était construite en bois s’était envolée avec un cyclone il y a trois ans déjà. Petit à petit, elle et son mari ont reconstruit, plus solide, plus durable. Même si l’intérieur de la maison est en terre battue, qu’une table bancale et trois tabourets siègent au milieu de la pièce principale, que derrière de longs tissus faisant office de portes, des matelas sont surélevés du sol par de simples sommiers en bois, que la cuisine est à ciel ouvert derrière la maison, leur nouvelle maison a un toît et des murs solides, en briques. Elle ne s’envolera pas au prochain ouragan.

L’électricité ils l’ont, une ampoule pend à un fil au milieu de la pièce principale. L’eau courante ? Pas encore, mais le puits est au milieu du jardin, une petite plantation d’oignons, quelques tomates, des poules voilà leurs seules richesses. Georg, le mari d’Odalia travaille tous les jours à l’extérieur pour la modique somme de 10 CUC (10$) par mois. Son fils aîné s’en va à la pêche chaque jour et ramène de quoi nourrir la famille.


Lorsqu’il rentre du travail et que nous faisons sa connaissance, il nous est sympathique au premier contact. Il nous rappelle notre beau-frère. Il se change et va pomper l’eau du puits pour irriguer ses oignons. Thierry lui donne un coup de main, ce qui les fait bien rigoler.





Le fils aîné revient de la pêche avec un gros pagre. Spontanément Odalia nous propose de partager avec eux ce poisson.





Du coup Marvin et Géorgis peuvent prolonger leurs jeux et trotter à travers le village avec les autres enfants.





Je demande à Odalia ce qui lui ferait plaisir, sachant pertinemment que nous avons à bord, des produits dont ils rêvent. Modestement elle refusera. Je m’en vais tout de même au bateau, coupe un gros morceau de fromage, prend quelques boîtes de sauce tomate, de champignons, de thon et du gel douche. Nous repartirons de chez eux avec des œufs frais.


Le lendemain, la température chute, un front passe, le mouillage est venté, un petit clapot s’est levé, mais à l’extérieur, on entend la mer gronder, les vagues déferler. Rien ne nous oblige à partir avec un temps pareil, quoique….

Voilà que se pointe une barque, qui a toutes les peines du monde à remonter contre le vent, avec à son bord, notre fameux Guardia Frontera et un collègue. Ils viennent contrôler le bateau, les papiers (les mêmes qu’à notre arrivée). A quelle heure quittez-vous le mouillage ? Je leur fais un café en leur demandant s’ils prendraient la mer par un temps pareil. Non ! Alors pourquoi le ferions-nous ? Gros éclats de rire, fin de la discussion.


Afin de leur éviter de venir chaque jour de Pilon en bus (12 km), je leur suggère que lorsque nous serons prêts à lever l’ancre on le leur fera savoir 24 heures à l’avance. Ils acceptent volontiers notre proposition. Mais le lendemain, le surlendemain et les jours suivants, nous aurons droit à leur visite. Le quatrième jour, ils nous font gentiment sourire : Pourquoi ne partez-vous pas ? Il fait grand beau, la mer est calme vous pouvez y aller. Lorsque je leur ai répondu qu’on avait envie de rester encore un peu ici, qu’on aimait bien le coin, j’ai vu un gros ? au-dessus de leur casquette. Ils continueront à nous rendre visite chaque matin. A force ont fini par sympathiser !


Pendant une semaine nous partagerons le quotidien de ce village. En fin de journée, lorsque les officiels rentrent sur Pilon, quelques langues se délient, on apprend que la barque de untel est bloquée par les autorités, interdiction d’aller pêcher même dans la baie car, quelques années plus tôt, le cousin de son propriétaire avait réussi à quitter l’île sur une embarcation précaire. Pour avoir tenté de vendre des cigares à un touriste de passage, une autre personne a été arrêtée. Que si tel et tel avait réussi à se construire une si belle maison, c’est qu’il avait des « avantages » en travaillant dans un grand hôtel. Bref on arrête de nous prendre pour des touristes, les gens nous font confiance, nous acceptent comme faisant partie de leur communauté. On leur donne ce dont ils manquent, ils nous fournissent en produits frais. On ne parle pas d’argent, mais de troc.


Aucune insécurité ici comme ailleurs. Marvin passe d’une maison à l’autre avec ses copains sans même qu’on sache parfois où il a disparu. Une tienda - qui ne doit pas franchement faire des affaires avec des produits vendus en CUC - des pêcheurs qui se transforment à leurs heures en boulangers, deux écoles, une poste, un arrêt de bus au milieu de nulle part. Voilà de quoi est composé Maréa de Portillo. Chaque matin un biplan survole ce petit coin en larguant El Periodico et le courrier. La ville la plus proche, Pilon est à 12km.



Au fil des jours, Odalia et Georg nous confient leur projet de transformer le reste du terrain autour de la maison, en une grande plantation d’oignons et de tomates ce qui leur permettrait d’améliorer leur quotidien. Ils économisent sous par sous l’argent nécessaire pour s’offrir une pompe afin d’extraire l’eau du puits et installer un système d’irrigation. La pompe coûte 48 CUC (50$), je vous laisse faire le calcul du temps qu’il leur faudra à 10 CUC par mois pour arriver à se la payer, sans compter que sur son salaire Georg doit faire vivre sa famille.



Avant de lever l’ancre et de quitter ce petit coin, Thierry décide de donner à ce charmant couple, l’argent pour l’achat de la pompe en me précisant que si on restait plus longtemps, il en ferait volontiers l’installation. Mais nous devons songer à continuer, la route est encore longue et nous n’avons plus que 20 jours de visa.


On n’oubliera jamais les yeux de Georg lorsqu’il a montré à Odalia ce qu’il tenait en main. C’est le coup de pouce dont nous avions besoin pour changer notre vie et améliorer le quotidien nous diront-ils. En vendant des tomates et des oignons, ils gagneront plus d’argent qu’en travaillant à l’extérieur. En embrassant Thierry, Georg lui glisse qu’il est dorénavant, le demi propriétaire de la future plantation et qu’ils nous fourniront gratuitement à l’avenir.





Lorsque nous partons le lendemain – après la dernière visite de notre sympathique Guardia Frontera - une partie du village est sur la plage mains en l’air, nous évitons de nous regarder avec le capitaine, tant l’émotion est grande.



Comme la mer est belle et le vent portant, nous ne nous arrêtons pas à Cabo Cruz mais continuons sur Boca Juan Grin. Nous arrivons dans les fameux Jardins de la Reine dont nous avons si souvent entendu parler. L’entrée de Boca Juan Grin est loin d’être simple. Peu de fond, on zigzague entre les cayes, progressant à la couleur des fonds et au sondeur. Aucune carte, qu’elle soit de papier ou électronique n’est utile dans ce genre passe, il faut faire confiance à ses yeux.



Une fois à l’intérieur, le lagon devient à nouveau plus profond. Malheureusement la mangrove qui nous entoure a été détruite en partie avec le passage de cyclones successifs. Les fonds par contre, sont si clairs qu’on peut aisément y admirer du bateau des pastenagues, des étoiles de mer ou des barracudas en quête de nourriture.




A peine sommes-nous installés que nous recevons la visite - non pas de la guardia, qui n’a aucun moyen d’arriver dans ces cayos fort heureusement – mais de pêcheurs venant faire un brin de causette et nous offrir ce magnifique assortiment de langoustes. Nous avons beau leur dire qu’une ou deux suffiront, ils insistent pour qu’on prenne le lot au complet « regalo e bienvenido». Nous leur offrons en échange de la bière qu’ils refusent préférant de l’eau et des jus de fruits. Au passage ils nous réparent le rapala qu’on avait cassé en venant.





C’est à partir de ce jour que notre régime langoustes débutera ! Une fois les pêcheurs à l’horizon, nous libérerons les plus petites, leur laissant une chance de devenir de grandes fifilles. Les quatre autres étant à l’article de la mort, on en mangera midi et soir pendant trois jours. Lorsque les pêcheurs reviennent deux jours plus tard en nous offrant à nouveau des langoustes ils sont tout surpris de notre refus ; on en a encore. On passe un bon moment en leur compagnie devant un autre jus de fruit. Ils sont si curieux de savoir comment c’est ailleurs.


Nous profitons d’une marée montante, de la luminosité du milieu de journée pour sortir de Boca Juan Grin et reprendre la route. Le prochain cayo, Cachiboca. L’entrée est large est facile à trouver, mais le poste d’observation à l’avant est toujours occupé par l’un d’entre nous pour repérer les éventuelles têtes de coraux.




On est tout seul dans cette immense baie, on s’installe nous réjouissant déjà de la baignade. Malheureusement, il y a beaucoup de courant, il sera impossible de faire trempette avec Marvin. Je plonge uniquement pour contrôler l’ancre. J’ai moi-même de la peine à le remonter, toutes palmes dehors.


Durant la nuit nous sommes surpris par un gros coup de vent. Les gribs n’annonçaient aucun front. Une météo normale avec des vents d’Est 10/15 nœuds. On ne comprend pas. La baie, complètement ouverte laisse entrer une mauvaise houle. Le vent qui forcit rencontre le courant de marée, ce qui lève un clapot considérable dans ce mouillage. On est malmené New Life fait des embardées à 1,7 nœuds sur son ancre. Il danse dans tous sens en faisant des 360° successifs. Il y a un bruit épouvantable dehors. Le guindeau claque, la chaîne est à l’horizontal, le croc servant d’élasticité se tend à mort pour éviter les à-coups sur la poupée du guindeau.



L’orin finit par s’entortiller sur la chaîne. C’est la poisse, il peut à tout moment nous décrocher l’ancre. Et voilà que le bateau repart plein pot dans le sens opposé du vent. C’est le courant de marée qui l’emporte cette fois-ci. Thierry tente d’attraper l’orin lorsqu’il se rapproche afin de le couper et éviter qu’il ne se prenne dans le gouvernail. Le bateau s’éloigne à nouveau; raté pour ce coup-ci. Ce cirque durera toute la nuit. Marvin dans les bras de Morphée n’entend rien de ce qui se trame dehors. Le lendemain au réveil il nous dira simplement : Pourquoi faites-vous cette tête tous les deux ?


Inutile de préciser qu’une fois les éléments calmés, nous dégageons de cet endroit, n’ayant aucune envie d’en savoir plus. Les vents sont E 10/15 nœuds et nous faisons route au 300° sur le Cayo de Caballones. Au passage nous attrapons un joli pagre qui fera l’affaire pour le souper.





A Caballones, nous croyons rêver, nous ne sommes donc pas seuls dans les Jardins de la Reine ; il y a 5 autres bateaux au mouillage. C’est la première fois que nous en croisons autant depuis que nous sommes partis de Santiago. Marvin prend les jumelles, reconnaît les pavillons français et belge, il saute de joie en disant : S’il y a des français, il doit y avoir des enfants, c’est sûr. Le soleil se couche quand nous entrons dans la baie. Pour ce soir nous nous contentons de ranger le bateau, de cuisiner le poisson pêché et d’aller nous coucher tôt pour rattraper le sommeil de la veille.




Plus rapides que nous, les voisins viennent nous rendre visite dans la matinée. On fait une pause scolaire leurs enfants les accompagnant. Marvin ne demande pas mieux que de prolonger la récré pendant que partageons un café apprenons qu’ils sont trois bateaux à revenir d’une action humanitaire en Haïti. Luc et son épouse Emmanuelle sont belges. Ils ont réussi à réunir suffisamment de fonds pour acheter de la nourriture, du lait en poudre et des pièces qu’ils ont distribués directement sur place, sans passer par une organisation internationale. Action individuelle qui a son pesant d’or. Comme quoi, à tout moment et à tout niveau, on peut aider (http://www.levoyagedekakao.blogspot.com/).


Lorsque nous nous trouvions au nord de l’île suite à note mésaventure «casier » (v. publication du 26.3.2011), Kakao et son groupe oeuvraient au sud pour livrer du riz, du lait en poudre et d’autres marchandises dans un pays où le choléra sévissait et sévit toujours. Nous n’avons pas eu l’occasion de nous rencontrer à ce moment-là, mais le hasard de nos pérégrinations a permis à nos routes de se croiser. Côté enfants, le CNED n’a jamais aussi bien fonctionné puisqu’une fois les devoirs terminés, ils se retrouvaient à la plage.



Certains vont à l’Est, d’autres à l’Ouest. Il ne nous reste que 18 jours avant l’échéance de notre visa et nous ne sommes pas à la moitié de notre trajet. Nous décidons de pousser directement jusqu’au Cayo Breton où on pourra s’abriter au passage du prochain front annoncé d’ici à deux jours.

A part le nom, rien à voir avec la Bretagne même si un phare évite aux navigateurs de passage de s’échouer sur les bancs de sable alentours, la bouée d’atterrissage a disparu de son emplacement initial pour se retrouver au pied du phare. Ne la cherchez donc pas, vous l’aurez à l’étrave de votre bateau une fois mouillé à l’intérieur.





Les moustiques et les insectes volants me rendent folle dans cet endroit. A partir de 17h00, il est impossible de rester dans le cockpit à siroter une bière. Ils se sont passés le mot, nous sommes la seule chaire fraîche qu’ils ont à se mettre sous la dent, ils redoublent donc de voracité. Aucune autre solution, que de tout boucler et de s’enfermer en fin journée pour deux heures minimum. Je tente de convaincre le capitaine pour ancrer sous le vent de l’île, c’est peine perdue vu le prochain front annoncé.

En attendant on passe le temps comme on peut, je bouquine pendant que Thierry et Marvin – qui veulent expérimenter une autre technique de pêche - s’en vont poser les 40 mètres de filet que nous avions achetés aux pêcheurs à Maréa de Portillo. Comme ils sont quelque peu impatients pour relever leur filet, ils rentrent bredouilles. N’est pas pêcheur qui veut !



Le lendemain nous partons en annexe pour explorer les bancs de sable autour de ce cayo.





A part un requin citron et un cormoran, nous serons encore une fois seuls au monde, loin de toute civilisation, au milieu de l’océan.






Le front est censé passer dans la nuit. Vu l’expérience vécue à Cachiboca - alors que rien n’était annoncé - on est quelque peu nerveux bien que nous sachant à l’abri dans la mangrove. Une fois les moustiques calmés, Thierry pose un second mouillage à l’arrière pour nous maintenir dans l’axe du courant au plus fort du coup de vent. Tout est rangé à l’intérieur, rien ne traîne sur le pont. Je prends de l’avance sur ma nuit en mettant au lit en même temps que Marvin.


A minuit je me réveille entendant le capitaine œuvrer sur le pont. Il remonte le second mouillage qui a lâché lorsque la marée s’est inversée. Nous sommes maintenant trop proches d’un haut-fond herbeux et nous décidons de mouiller au milieu du chenal plus profond et plus large, étant certains qu’aucun trafic n’en sera affecté. A peine le feu de pont allumé, les moustiques passent à l’attaque. Quelle aubaine de la « bouffe » en pleine nuit. Je peste et ne demande pas mon reste lorsque je peux tout éteindre et me remettre au lit.


Aucun vent, si ce n’est une légère et agréable brise ne viendra troubler le reste de notre nuit. Ni une ni deux, le lendemain nous dégageons de ce maudit Cayo Breton qui, pour Marvin et moi, nous laissera de belles marques sur le corps.


Notre prochaine escale : Cayo Zaza di Afuera qui a la même configuration que le cayo ci-dessus. En aucun cas, mon cher capitaine, je vais me planter dans la mangrove cette fois-ci, on reste sous le vent de l’île !



Une jolie navigation sous vent NE à 15 nœuds, New life file à 5.6 nœuds ; waou ça défrise ! En affalant la grand-voile, Thierry constate qu’elle s’est complètement déchirée près de la têtière. No problema, je sors la Read’s et on se met tous au travail car un tel métrage n’est pas évident à trimbaler du pont au cockpit. Thierry alimente la toile, Marvin tire d’un côté, je pousse de l’autre, la machine fait admirablement son boulot.




Une fois la voile réparée et remise à poste, nous tirons à la courte paille pour savoir qui sera hissé au mât pour remplacer le petit cordage qui a lâché sous la barre de flèche bâbord. Nous avons un mousse à bord, il faut bien qu’il assume ses gallons non ?





Lorsque les pêcheurs rentrent de leur journée en mer, ils viennent automatiquement nous saluer et nous proposer de la langouste. Nous opterons plutôt pour du poisson.





Sur les cayos loin de la côte, la Guardia Costa n’a aucune possibilité de s’y rendre, faute de moyens. Les pêcheurs sont donc plus détendus et acceptent volontiers de monter à bord, de visiter le bateau et de partager un café. J’ai eu le temps de leur confectionner un cake aux amandes, ils sont aux anges. Nous parlons de choses et d’autres, la politique de leur pays et l’intérêt qu’ils ont pour l’extérieur meubleront facilement cette soirée.

Ils nous apprennent qu’ils ont un souci moteur ; la courroie entraînant l’alternateur n’arrête pas de lâcher. Thierry plonge dans les profondeurs d’un coffre et leur sort une bonne quinzaine de courroies différentes leur disant qu’ils n’ont qu’à se servir. Leurs yeux deviennent lumineux comme ceux d’un enfant à Noël. N’étant pas certains de la longueur qui leur est nécessaire, ils en prennent quatre avec eux lorsqu’ils nous quittent en fin de soirée. Le lendemain, avant de partir au large, ils nous en ramènent trois avec une douzaine d’œufs en remerciements.


Comme nous avons encore des courroies identiques à celle dont ils ont besoin. On leur en donne une supplémentaire. Ils n’ont jamais vu une telle qualité et sont certains qu’elles dureront une éternité. Ce lot de courroies neuves, encore dans leur papier d’emballage, Thierry les avait récupérées dans une benne il y a 8 ans. Nous les trimballons depuis et n’avons jamais pensé qu’elles serviraient un jour. Tu vois, il ne faut jamais rien jeter, on ne sait jamais, me dira le capitaine.


Nous levons l’ancre et partons à la marina de Casilda. Cela fait bientôt un mois que j’accumule de la lessive pour économiser de l’eau à bord et que le bateau n’a pas été rincé. Un grand coup de nettoyage lui fera le plus grand bien. La marina est en cours de rénovation, pas de sanitaires, pas de douches, pas de machine à laver, uniquement des bateaux charter à la journée, emportant leur lot de viande blanche le matin, le ramenant bien cuite en fin de journée. En voyant débarquer certaines écrevisses, on a mal pour eux.


La marina oui, mais le moins longtemps possible. On relève donc les manches et on s’active, je m’atèle à la lessive, les hommes au rinçage du bateau et au remplissage des réservoirs. Dès qu’il en a l’occasion, Marvin va taquiner le goujon.





Derrière la marina l’immense hôtel Ancon. Touristes veut aussi dire internet. On va pouvoir vous envoyer des news. Oui mais voilà. C’est un hôtel « all inclusive » et c’est tout juste si on nous accepte dans le hall sans bracelet de couleur au poignet. J’indique au garde de sécurité en fonction que nous sommes clients de la marina, donc rien à craindre de notre part et que nous désirons simplement utiliser internet. Il m’accompagne à la réception ou je recommence ma quête. Internet est réservé aux clients de l’hôtel, mais nous ferons une exception si vous attendez qu’un poste se libère. Oh on n’est plus à ça près ! Lorsque qu’un ordinateur (il n’y en deux) se libère c’est pour entendre le client se plaindre d’une coupure de réseau. Personne ne peut dire quand le réseau sera rétabli.



Nous sommes à une dizaine de kilomètres de Trinidad, la troisième ville créée par Velazquez en 1514. Nous sautons dans un bus qui quitte l’hôtel et nous nous rendons en ville. Une fois sur place, nous nous séparons du troupeau accompagné d’un berger pour nous balader dans les ruelles pavées où la circulation est interdite….





nous dirigeant d’un pas nonchalant vers la Plaza Mayor. Ici l’architecture prend un tout autre sens et l’on semble presque remonter le temps. Même Marvin nous dira : on se croirait dans un film de Zorro ! Certaines de ces belles demeurent abritent aujourd’hui des musées ou des galeries d’art.




Cette cité coloniale est la mieux préservée de l’île, elle est classée au patrimoine de l’humanité de l’Unesco depuis 1988. Ces mesures ont permis de protéger ce centre historique puis de financer sa rénovation. Aujourd’hui cette ville a retrouvé le lustre qui était le sien à l’époque de sa gloire, au milieu du XIXe siècle, quand un tiers du sucre national était produit dans la région.


Une église au toît de chaume occupait déjà le milieu de la Plaza Mayor en 1620, elle fut remplacée par une église en briques qu’une tempête emporta en 1812. L’édifice actuel date de 1892, il recèle de beaux autels et de quelques statues remarquables.






On avale une pizza, on boit un coup sous une magnifique tonnelle et on rentre au bateau. Au passage un crochet par l’hôtel Ancon. La connexion n’est toujours par rétablie.





Ce matin c’est géométrie en classe, Thierry s’en occupe pendant que je retourne à l’hôtel. Les postes sont occupés par les clients qui ont toujours la priorité. Après 2 heures d’attente, je rentre au bateau et on décide d’aller en ville, non seulement pour nous imprégner de sa douceur, mais également pour compléter mes réserves en farine qui diminuent sérieusement.

Notre balade nous emmène sur les hauteurs où trône la plus ancienne église de la ville Ermita de Nuestra Senora de la Candelaria de la Popa, datant de 1740. Très abîmée, son entrée principale est condamnée par des parpaings. Nous bénéficions d’une large vue sur la ville. Faisant le tour de ces ruines, nous avons le cœur serré en voyant ces travailleurs, démonter une partie de leur patrimoine pour récupérer de vieilles pierres et tamiser la terre afin de construire leur propre maison. S’ils en avaient la possibilité, nous sommes certains qu’ils le feraient différemment.




Sur le chemin du retour, un beau parc et son église. Le contraste des moyens de transports, une boucherie où la viande faisande au soleil, mais pas un gramme de farine. De la journée, nous avons bien visité une vingtaine de tiendas impossible de trouver la plus petite poussière de farine.





Lorsque Raoul, un marinéro de Calsilda vient bavarder un peu et s’enquérir de notre journée, je lui confie mon souci du jour. Quelle quantité souhaites-tu ? D’ici une heure je t’en amène.


Discrètement à la nuit tombée il dépose sur le pont 5 kg de farine et d’énormes oignons provenant du jardin de son père. Lorsque je lui pose la question d’où il sort cette farine, il me gratifie d’un clin d’œil en se tournant en direction de l’hôtel. Je le paie en CUC, il est tout content et nous soulagés,… je pourrai continuer à faire du pain et des gâteaux.



Nous avons fait le tour de cette belle ville, le bateau est propre, la lessive rangée, l'appro fait. Une dernière tentative (négative) à internet, il est temps maintement de larguer les amarres en direction de Cienfuegos.


Là , il nous faudra prendre une décision. Quitter Cuba ou tenter de faire prolonger une fois encore notre visa. Nous avons encore quelques jours pour y penser, nous aviserons en fonction des autorités à Cienfuegos.


Voici pour aujourd’hui, en espérant que cette balade vous aura projeté, le temps de sa lecture, dans un autre monde. Le prochain et dernier volet arrive : Cienfueguos, Cayo Cantiles, Isla de la Juventud, Cabo Corriente….



Avec nos meilleures pensées,


Les New Life en balade


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