mercredi, 25 mai 2011

Cuba, de Cienfuegos à Cabo Antonio


Salut à tous,




A 08h00, le 15 février, nous quittons Casilda, la marée monte, le chenal étroit et peu profond de la marina sera donc praticable avec notre tirant d’eau de 1.80m. Même si nous lisons zéro au sondeur, nous ne nous échouerons pas. 32 miles nous séparent de Cienfuegos dont le surnom est Perla del Sur (Perle du sud). Nous hissons les voiles, un joli vent nous pousse.





A mi-journée, nous sommes proches de la côte et les hautes montagnes de l’arrière pays nous coupe tout souffle, les voiles ondules, mais ne se gonflent plus, nous lançons le moteur. Nous apercevons déjà au loin la Punta de Los Colorados avec son phare La Luisa qui signale l’entrée de cette grande baie qui est un port naturel bien protégé.






Cienfuegos est l’un des plus grand pôle industriel du pays. Grand port sucrier et de tabac à l’époque, la ville se développe rapidement, mais devient aussi le refuge de flibustiers et de contrebandiers tels que Jacques de Sores, Francis Drake ou encore Henry Morgan. La baie éminemment stratégique décide les espagnols à la défendre de la piraterie britannique qui cherchent à étendre leur influence dans la mer des Caraïbes. En 1745 la construction de la citadelle de Jagua est achevée.







En face de cette belle citadelle, l’hôtel Pasacaballos, de construction plus récente, impose sa laideur.







Un poste militaire à l’entrée de la baie contrôle tout le trafic. Ils nous proposent une escorte, que nous refusons gentiment, ayant une bonne carte à jour et sachant nous orienter au travers du balisage. Si vous acceptez leur offre, sachez qu’elle est payante. Par contre si vous la refusez et qu’ils décident tout de même de vous accompagner, ils ne pourront pas vous facturer ce service. En ce qui nous concerne, le militaire à l’autre bout de VHF nous souhaite simplement la bienvenue. La ville quant à elle, affiche clairement sa politique.







La baie est longue et profonde, il faut la remonter sur 7 miles pour atteindre la marina et la zone de mouillage. Le courant de marée descendante est fort, il lève un joli clapot, nous gagnons du terrain à 2 nœuds contre, moteur à 3'000 tours.







Notre choix est de jeter l’ancre, dans la zone limitée au mouillage devant la marina, mais on nous siffle en nous faisant comprendre qu’il est nécessaire de se mettre au ponton pour les contrôles d’usage et la paperasse. Un chien drogue monte également à bord. Il sniffe un peu partout. Lorsqu’il arrive à la cuisine il éternue un bon coup en branlant la queue comme pour dire à son maître que tout est en ordre.




La douane ayant fait son inspection du bateau, j’entame la visite successive des bureaux officiels. Je sonde l’ambiance pour voir s’il pourrait y avoir de la flexibilité quant à notre prochaine extension. Côté douane, c’est plutôt mal parti. On me fait remarquer qu’il manque un tampon de renouvellement sur le document autorisant New Life à naviguer dans les eaux cubaines. J’en tombe des nues, avec tous les contrôles que nous avons eus jusqu’ici, personne ne nous a précisé qu’il fallait également renouveler cette autorisation il y a un mois déjà.


Dans ce cas, je joue la bobette (je suis assez douée à ce jeu). Ah bon ! Je ne savais pas, personne ne nous a rien dit. Mais comment donc ? On l’aurait fait si on avait su ! Bref, bien ennuyé devant la situation, le douanier finira par nous tamponner le formulaire en précisant que nous ne devons pas prendre leur réglementation à la légère. Oui m’sieur, je ferai attention la prochaine fois !



Sermonnée de la sorte je continue ma tournée par l’immigration. C’est là, qu’il faudra tenter d’assouplir le règlement et obtenir une nouvelle extension de nos visas. Une fois la paperasse d’usage complétée, je m’enquiers d’une possibilité d’obtenir quelques semaines, voire un mois supplémentaire. Je tente la flatterie, on ne sait jamais. Nous souhaiterions rester plus longtemps, tant nous apprécions le pays. Puis j’enchaîne avec les caprices météo et la succession des fronts en hiver ce qui a ralenti sensiblement notre rythme, nous devons nous rendre à la Havane pour y accueillir des amis (imaginaires). En dernier ressort je tente une avarie moteur.





Bref, j’en perds mon latin, oh pardon mon espagnol. La loi c’est la loi, aucune possibilité d’extension. Vous avez jusqu’au 23 février sur ce visa, il vous faudra ensuite quitter Cuba. Je tente une dernière question puisque les canadiens ont droit à 3 mois, ne pourrait-il pas faire une exception. Rien n’y fait, le Canada (je n’ai pas dit les Etats-Unis) et Cuba ont des accords spéciaux.



Bon ben, allons annoncer la bonne nouvelle au capitaine ! En attendant de prendre une décision, faisons un tour de la marina, bordée de belles maisons coloniales…








… et d’un parc ou des artistes locaux ont laissé libre cours leur imagination. Les thèmes de ces œuvres n’ayant rien en commun, il est intéressant tout de même de découvrir le style et l’art de chacun.








La majorité des bateaux sont des catamarans de charters, appartenant à une compagnie allemande, beaucoup des loueurs sont russes. Au vu du comportement de certains, on se demande s’ils se souviennent encore que leur pays avait, il y a quelques années, le même régime politique que celui qu’ils visitent actuellement en se pavanant, toutes richesses dehors et en traitant les autochtones comme leur sous-fifre pour ne pas dire autre chose.



Tout leur est dû, doit être livré à bord en un temps record, prêt pour « l’appareillage ». Ils se plaignent lorsqu’un produit manque par rapport à la liste qu’ils avaient envoyée à l’agence afin que l’approvisionnement du bateau soit complet à leur arrivée. Les boîtes de conserve ne sont pas de la taille souhaitée. Comment se fait-il que la Tienda de la marina n’ait pas de produits frais ? Il nous faut aller au marché ? Ce n’est pas possible, nous sommes ici que pour une semaine ou deux ! Cela dépend de l'équipage. Un taxi, vite, vite, vite. La Vodka n’est pas à bord, c’est incroyable !



Ils sont comme des abeilles s’activant autour d’une ruche, ils ne prennent même pas la peine de regarder autour d’eux. Tout cela se passe de commentaires.




Il est trop tard pour aller jeter l’ancre, nous passons donc la nuit à la marina. Le mouillage est aussi payant ici, mais c’est la moitié du tarif de la marina. Avant de quitter le ponton, on nous fait signer le règlement concernant l’utilisation de l’annexe. Cette dernière doit être remontée sur le pont ou aux bossoirs tous les soirs. Nous pouvons la servir uniquement pour le trajet bateau-marina, aucun droit d’aller au restaurant qui est à 200 m. ou de nous balader à travers la baie. Le non respect d’une de ces règles sera soumis à une multa (amende). Encore heureux qu’ils nous laissent passer d’un bateau à l’autre, me dira Thierry qui ne supporte plus toutes ces pressions. Et encore, il ne s’occupe pas de la paperasserie !




Sans rivaliser avec le cachet de Trinidad, Cienfuegos se veut une ville dynamique, moderne et sportive. Elle accueille chaque année la régate Saint-Nazaire-Cienfuegos. Des centres sportifs sont aménagés, piste de roller, espace squash, tennis, écoles de voile et d’avirons. Beaucoup de cyclistes dans les rues. C’est une toute autre vision de Cuba que nous découvrons. Le centre ville est charmant, aéré, l’architecture néoclassique est bien préservée. La Plaza de Armas est encadrée de superbes édifices coloniaux. Un joli kiosque accueille une fois par semaine l’orchestre municipal. Le Teatro Terry, financé en 1904 par la riche famille des Acea accueille aujourd’hui un collège d’art. C’est dans ce théâtre que se réfugièrent en 1957 les insurgés protestants contre la tyrannie de Batista.







Le Palacio de Valle se dresse majestueux au bout de la péninsule de la Punta Gorda.







Ce palais digne des Mille et Une Nuits fut construit en 1890 par un opulent commerçant, puis revendu à un espagnol des Asturies, Acisclo del Valle, l’un des hommes les plus riches de Cuba. Il abrite aujourd'hui un restaurant de toute première classe.







En 1950 il est cédé au frère du dictateur Batista qui envisage d’en faire un casino, associé à l’hôtel Jagua qu’il fait élever dans les jardins de cette magnifique demeure. Cet hôtel cubique témoigne de l’intérêt financier et non artistique qu’ont certaines personnes face à des bâtiments datant de plusieurs siècles.






Lorsque nous voyons passer ces deux pêcheurs sur leur embarcation en pains de mousse, notre décision est prise. Nous ne pouvons pas quitter Cuba comme ça, il nous reste encore trop de choses à découvrir.








Nous consacrons les deux journées qui suivent à un bon approvisionnement. Puis passons dans les bureaux successifs afin d’établir notre sortie officielle de Cuba pour Isla Mujeres au Mexique. Les autorités remplissent leurs formulaires, inspectent le bateau, nous pouvons quitter le pays, tout est en ordre. Voilà ce que nous indiquons aux officiels, mais notre intention est toute autre. Nous faire discrets dans les Cayos Del Dios et Rosario pendant une semaine ou deux, ensuite refaire une entrée à Isla de la Juventud, plus à l’ouest et bénéficier ainsi d’un nouveau mois supplémentaire, renouvelable.




Nos amis Peter et Christian de Marmajua arrivent. Nous avons le temps de leur faire part de notre plan. Ils nous rejoindront dans les cayos ci-dessus, une fois leur fille Solène repartie au pays. Notre plan est risqué, mais nous savons aussi que les autorités n’ont aucun moyen de contrôle dans les cayos. Il nous faudra juste éviter Cayo Largo situé entre les Cayos del Dios et Rosario puisque cet endroit est un port officiel d’entrée/sortie, il y aura forcément des autorités. Le bateau est complété en produits frais oignons, tomates, laitues, chou, ananas, oranges. La farine de blé vient d’arriver à l’étalage, j’en profite en rachetant 5 kg qui compléteront les produits de bases, la mer se chargera du reste.



Nous voilà donc parti pour l’Archipelegos del Dios (l’Archipel des Dieux), en évitant la fameuse Baie des Cochons, interdite à la navigation et bien gardée. Un joli vent nous pousse sous génois …








…dans ce chapelet d’îlots où l’eau est d’une limpidité à couper le souffle. Pas beaucoup de poissons sur ces bancs de sable herbeux si ce n’est ce petit coffre nageant de concert avec un gros barracuda et quelques calamars.







La ligne est à poste, attendant le couché du soleil pour plonger et tenter d’attraper le repas du lendemain.










Durant la nuit un vent NE se lève, nous faisons des bons de 2 m. sur la chaîne. Tout est rangé au cas où les Dieux nous chasseraient in extremis de leur paradis. A 5h du matin le vent tourne au SE, du coup nous sommes à nouveau protégés étant au nord du Cayo del Sal. Nous restons sur place une journée de plus. Thierry récupère, Marvin et moi sommes suffisamment occupés avec l’école et la baignade.




Nous reprenons notre avancée à l’ouest en restant à l’intérieur de l’archipel. L’eau est si claire que nous voyons les poissons s’agiter dans 2m. d’eau. Par contre, nous devons rentrer la ligne de pêche, elle se croche sur les têtes de coraux, nous avons déjà perdu deux rapalas. Nous évitons Cayo Largo, pour les raisons que vous connaissez et continuons sur l’Archipel des Rosarios à une cinquantaine de miles. En fin de journée le vent tombe, il nous faudrait continuer au moteur. Boof, aucune envie, l’ancre plonge donc et nous passons la nuit, au milieu de nulle part, enveloppés par le silence et le clapot sur la coque.




Au matin la brise est là, nous continuons et empruntons le canal entre Cayo Cantiles et Rosario. Des pêcheurs nous hèlent, nous proposant de la langouste. Etant sous voiles, nous refusons leur offre.






Cayos Cantiles abrite apparemment une réserve de singes, d’iguanes et de jutias. Ne connaissant pas cette dernière bestiole, c’est une bonne raison de nous y arrêter. Trois bateaux sont déjà au mouillage, se sont des charters qui lèvent l’ancre dès que nous arrivons. Ah… aurions-nous la peste ? Non, j’ai oublié ... les charters sont minutés !



Lorsque nous débarquons sur la petite plage, Julio vient à notre rencontre se présentant comme le gardien de la faune et de la flore de l’îlot. Il est en poste pour un mois avec deux de ses acolytes Luis et Ricardo. Ils entretiennent l’île, comptent les singes, s’occupent de la nidification des iguanes et des jutias, défrichent et ouvrent de petits chemins à travers le cayo. Ricardo, décroche trois noix de coco en guise de bienvenue.






Le courant passe très vite entre nous. Julio nous emmène voir ce que sont les jutias, animaux que nous connaissons en fait sous le nom de ragondins,….







… et nous propose une balade. En chemin, il nous donnera toute sorte d’explications sur les singes, les oiseaux et les reptiles qui peuplent ce petit coin. Nous apprendrons notamment que les iguanes mâles ont la chance d’avoir deux sexes !








Cet endroit nous semble tout à fait approprié pour y passer une semaine ou deux. New Life se balance tranquillement au mouillage. Nous pouvons nous balader en découvrant la faune et la flore, les fonds regorgent d’antennes et de poissons, nos trois nouveaux copains nous ont l’air fort sympathiques.






Dès qu’ils nous ont vu arriver, ils se doutaient que nous allions rester un peu et ne pas passer en coup de vent. Alors lorsqu’on le leur a confirmé, Ricardo a demandé à Thierry, s’il avait des connaissances en mécanique hors bord car leur moteur ne refroidit plus. Ils ne peuvent donc aller pêcher qu’à la seule force de leurs bras pour ramener aux bateaux de passage de la langouste qu’ils échangent. Thierry leur propose de revenir le lendemain matin afin d’y faire un service. Un fois le pied moteur démonté, il constate qu’il n’a plus d’impeller. Par chance nous avons le même Yamaha 5CV donc des impellers de rechange.







A partir de ce jour, il nous sera impossible de manger au bateau le midi. Pendant l’école je prépare des gâteaux, des cakes ou du pain pour améliorer le quotidien de ces gardiens envoyés en poste pour un mois avec pour toutes provisions 25 kg de riz, 3kg d’haricots secs, 1 kg de sucre, 5l. d’huile, ½ l. de vinaigre, un paquet de café. Des œufs, ils en ont grâce à Ricardo qui a emmené avec lui ses deux poules. Chacun ayant complété ces «dons gouvernementaux» par des produits provenant de leur jardin avant d’être déposés sur le cayo. Inutile de préciser que dans leur cabane le confort est réduit au minimum.





L’eau est stockée dans une grande citerne que remplissent au passage les pêcheurs qui croisent dans le coin et venant leur rendre visite. Ils leur apportent également, quant ils en ont, quelques produits frais (tomates, yuccas, patates douces) qu’ils échangent contre le rhum ou autres babioles que nos trois amis auront réussi à obtenir des charters contre de la langouste.



Les journées s’écoulent doucement, nous passons tous les après-midi à terre en leur compagnie, tissant un nouveau brin à cet énorme cordon qu’est l’amitié.







Thierry ressort l’epoxy, répare leur barcasse qui prend l’eau.








Grâce à Luis, j’apprends à nettoyer, à préparer correctement le lambis et le poisson-ange. Nous échangeons des recettes, tout heureux qu’il est de pouvoir ajouter de nouveaux produits à ses menus en nous faisant partager ses talents de cuistot.









Marvin qui fait des progrès en base-ball, décide de nettoyer la petite plage sur laquelle nous débarquons chaque jour. Elle est jonchée de plastiques et autres déchets. Julio qui est interpellé par l’initiative et l’entrain du moussaillon nous donne un coup de main. Une fois la plage débarrassée de ses détritus, Marvin récupère un bois flotté pour fabriquer un panneau indiquant en trois langues « gardez la plage propre ». Travail scolaire d’utilité publique !







Un catamaran se pointe à l’horizon, ce sont nos amis Peter et Christian de Marmajua. Spontanément Julio, Ricardo et Luis nous lancent : vos amis sont nos amis, il faut aussi qu’ils viennent manger avec nous le midi.




Lorsque Julio et Ricardo partent à la pêche, ce n’est plus uniquement Thierry qui les accompagne mais Christian qui est un chasseur émérite s’y mettra aussi. La mer est riche et généreuse, tous les jours un autre menu, Luis nous gâte, Peter et moi partageons la préparation des desserts.





Aujourd’hui nous avons la chance de pouvoir observer quelques singes. Lorsque le gong retentit, ils savent que leurs auges ont été remplies, ils s’approchent, timides et craintifs. On se réfugie derrière un arbre, mais ils restent à distance, on bat en retraite et lorsque nous sommes dans la cabane, ils arrivent, ont peut ainsi observer les grands mâles qui se servent en premier, puis le reste de la troupe arrive. Malheur à celui qui ne respecte pas la hiérarchie, il est remballé rapidement par le mâle dominant.







Le temps ne compte plus dans ce cayo merveilleux. Quelques touristes de passage débarquent, sans vraiment s’intéresser à ce qui s’y passe. Ils boivent une coco gentiment offerte, font quelques pas et repartent en échangeant une bouteille de rhum contre des langoustes.









Ayant réalisé qu’en quittant Cienfuegos, je n’avais pas pris la peine de rechercher un poste internet, afin de vous avertir sur notre intention de prolonger notre séjour ici, je demande à un équipage de russes s’ils auraient la gentillesse de me poster un courrier une fois de retour au pays.


Envie d’une petite marche pour digérer, nous partons avec Julio sur un autre sentier du Cayo, Marvin voudrait voir des crocodiles, mais ils ont déserté l’endroit depuis longtemps. Par contre nous occuperons l’après-midi à la recherche des traces laissées par les animaux qui peuplent cette mare salée, asséchée.








Au retour, Ricardo nous prépare des cocos pour nous désaltérer.







Marmajua pouvant s’ancrer dans nettement moins d’eau que New Life, il est décidé pour le lendemain, d’aller pêcher à l’extérieur en s’approchant le plus possible du récif. Dès le départ tout est à poste, les fusils, crochets et lasso à langoustes sont également embarqués. Tout est bien parti pour ramener à nos amis de quoi troquer avec les bateaux de passage.








D’autres pêcheurs, en mal de courroie viennent nous trouver. Thierry est tout heureux de pouvoir encore une fois dépanner avec du matériel qu’il a récupéré à gauche et à droite. Nous seulement contents de nous remercier avec un bidon plein de poissons, Juan Jr nous les écaillera, le temps d’avaler un café avec le capitaine et l’équipage de cette embarcation.






Inutile de préciser que tout ce poisson atterrira dans la cuisine de Luis qui nous gâtera une dernière fois. Eh oui, nous annonçons à nos amis qu’il est temps pour nous de continuer notre route et d’aller faire une entrée à Nueva Gerona, sur Isla de la Juventud. Ce n’est pas simple de se quitter après ces trois semaines à prendre part à leur vie. Nous leur promettons de revenir à terre ce soir après avoir préparé New Life pour la navigation.




C’est avec de grandes accolades et embrassades que nous tentons de nous séparer. Luis me passe autour du coup un collier de coquillages qu’il a fabriqué pour que je me souvienne…. Les larmes coulent de part et d’autre. Je n’oublierai jamais et nous reviendrons, c’est promis. Ricardo et Julio nous accompagnent à l’annexe. Luis restera à l’intérieur et tentera d’arrêter le sanglot qui le secoue car il sait que même si nous revenons l’année prochaine, il ne sera plus sur le cayo, l’heure de la retraite sonnera pour lui à la fin de cette année.



Nous nous relayons à la barre durant la nuit, les vents sont pile poil arrière, le pilote ne tient donc pas. J’ai plus de peine que Thierry à garder le cap sous cette allure, surtout de nuit. Je n’anticipe pas assez les mouvements du bateau, il en profite pour se balader d’un bord sur l’autre, les miles se rallongent de cette manière, mais cela permet à Thierry de se reposer.



Au petit matin, il prend le relais, ralentissant notre vitesse afin d’entrer par la Pasa de Quitasol au lever du jour. La mer roule, l’eau est trouble, la signalisation n’est pas claire. On doute un moment, on passe et continuons notre route sur Nueva Gerona. Nous remontons le long chenal et arrivons à un quai commercial. Marmajua est déjà là, aucune autre place nous nous amarrons à couple, personne n’est à bord.



Pas plus de 10 min. après notre arrivée, nous apercevons Peter et Christian accompagnés d’un Guardia Frontera revenant à leur bateau. C’est la M. ici, nous annoncent-t-ils. Impossible de sortir et d’entrer du quai sans contrôle complet. Invoquant un urgent besoin de consulter internet, ils ont fait une exception afin que Peter puisse confirmer son vol de retour en France, par contre il est impossible d’établir les formalités de sortie en ce qui la concerne.




Voyant le drapeau jaune hissé en barre de flèche tribord, (pavillon Q – utilisé lorsqu’on souhaite la libre circulation dans les eaux du pays visité), le Guardia Frontera nous indique qu’il est impossible de faire une entrée à Nueva Gerona. Mais, ce n’est pas un port officiel, comme l’indique mon guide de navigation ? Non, il vous faut retourner à Cayo Largo (celui qu’on avait pris soin d’éviter) ou faire votre entrée à El Morro (qui se trouve sur notre route, plus à l’ouest). Ni une ni deux notre décision est prise, même si nous savons qu’à partir d’aujourd’hui nous ne pourrons plus mettre pied à terre ou approcher un village, n’étant plus en possession de visa et du « zarpe de navigacion ».




Côté appro, on manquera peut-être de fruits et légumes, mais pour le reste c’est tout bon. Thierry se trouvant à court de cigarettes, Peter a la gentillesse de repasser le contrôle et d’aller lui en chercher tiendas du coin.




Nous larguons les amarres pour nous retrouver une dernière fois avec Marmajua à Cayo Francès, une jolie baie sur Isla de la Juventud. Les hommes partent à la pêche et nous partageons un bon mérou sur leur bateau. Comme Peter rentre en France d’ici une semaine, je profite pour lui donner les cours CNED, ainsi qu’une autre lettre qui vous rassurera sur notre sort.



Notre prochaine étape est le Cabo Corriente, juste avant Cabo Antonio, large baie où nous attendrons une météo favorable pour passer ce cap, faire une nouvelle entrée à El Morro afin de pouvoir remonter jusqu’à la Havane ou alors continuer directement sur la Floride. Notre décision n’est pas encore prise.




Voilà que la ligne se déroule, nous sommes sur le pont, en alerte, pourvu qu’on ne perde pas le souper cette fois-ci. Marvin souhaite écailler la prise du jour quand nous serons arrivés. Pas de problème mon gars. Une fois ancré, il sort ce qu’il faut et le voici donc à l’œuvre.






Nous sommes à l’Est dans la baya de Corriente, un seul autre bateau au mouillage. Nous faisons vite connaissance avec nos voisins anglais à bord de Toucan. La baie est un site de plongée très fréquenté. Un des bateaux du club nous contrôle et reporte notre présence et celle de Toucan aux autorités. Aucun souci pour eux, mais pour nous ils reviennent nous préciser que nous ne pouvons descendre à terre. Oui, on sait ! Ils mentionnent au passage qu’un front va arriver d’ici deux jours et que nous ne serons pas protégés dans ce coin avec des vents venant de N. Oui ça on le sait aussi, mais merci quand même !



Dans l’immédiat nous allons barboter et profiter de la journée. Deux fois par jour, soir et matin, Thierry analyse les gribs météo que nous recevons grâce à la BLU. Effectivement demain, il nous faudra nous déplacer à l’ouest de la baie pour trouver une meilleure protection au passage du front. Toucan va en faire de même.



Nous partons tranquillement sous voiles, mais lorsque nous commençons à apercevoir les formations nuageuses, on appuie au moteur pour traverser cette baie de 8 miles de large afin de mouiller avant l’orage.






Les bateaux de plongée nous rejoignent. Donc si les locaux annulent les réservations de la journée et viennent également se protéger de ce côté-ci, c’est que nous sommes au bon endroit. En moins de temps qu’il me faut pour l’écrire, nous voici au milieu d’un bel orage…






… qui fait place au soleil une fois passé.







Le lendemain, la BLU annonce une météo favorable pour ceux qui vont à l’Est et au Sud, donc chacun suit sa route. Toucan qui s’en va aux Caymans où ils pourront ravitailler facilement, m’offre 6 œufs, 1kg de farine et un paquet de biscuits pour le moussaillon.




Durant l’orage de la veille un autre bateau, Hanah, était venu s’ancrer à proximité. Voyant notre pavillon Suisse, ils nous avaient appelés en VHF pour nous dire tout le plaisir qu’ils avaient eu en visitant notre beau pays. Lorsqu’ils lèvent l’ancre ce matin, ils nous envoient sur le pont un paquet en nous criant une petite gâterie de chez vous. Une plaque de Lindt noir. Waou, quel régal.







Lorsque la pluie et le vent se calment, il reste toujours la mer, qui est plus lente à la détente, sa houle met du temps à s’apaiser, elle contourne maintenant le cap. Du coup le mouillage est moins drôle. En plus nous sommes sur des têtes de coraux ce qui nous plaît que moyennement. Alors à notre tour on relève le mouillage pour aller cette fois-ci au NE de la baie, à Bayata et attendre. Durant tout notre séjour à Cuba, nous avons laissé tomber nos conversations BLU privilégiant la réception des bulletins de la NOAA, émission qui a lieu aux mêmes heures que les causeries francophones ou anglophones. Désolée de vous avoir lâché ainsi, mais nous avions d’autres priorités.




Que fait-on ? On s’arrête à El Morro, une fois le cap passé ou on continue ? Ces questions reviennent sur le tapis tous les jours. Ce qui nous fait hésiter de la sorte, c’est que sur la côte Ouest de Cuba nous ne bénéficierons plus de la même protection lors du passage des fronts qui sont fréquents en cette saison. Les passes d’entrées dans les lagons ne sont pas toutes praticables en fonction de l’état de la mer, certaines étant infranchissables avec notre tirant d’eau de 1m.80. Nous pesons le pour et le contre. Côté relations humaines et découvertes il est sûr que nous ne voulons pas quitter cette île. D’un autre côté, nous sommes en hiver, la météo ne nous permettant pas de faire n’importe quoi.




Ce matin les gribs indiquent une ouverture pour les trois jours à venir avant le passage d’un prochain front. 233 Miles à parcourir jusqu’à Key West, on devrait passer surtout avec l’aide du Gulf Stream.




C’est donc là que se termine notre belle aventure cubaine et c’est là que je vous quitte aussi, en espérant avoir réussi à vous faire partager notre coup de cœur pour ce beau pays déchiré entre la petitesse des pressions politiques et l’immense gentillesse de sa population.





Avec nos meilleures pensées,


Les New life en ballade

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